(lettres [sons) sens]


Apprendre à lire à un enfant est à la portée de quiconque sait lire et a la volonté de mener à bien cette entreprise. Il faut y consacrer un à deux quarts d’heure chaque jour, pendant trois à six mois, aller au rythme de l’enfant, sans jamais le presser ni s’énerver.

Le manuel proposé ici est conçu à l’usage de la mère ou du père qui veut apprendre à lire à son enfant. Car l’idéal pour cet apprentissage, c’est la leçon particulière. La lecture n’est pas un sport collectif, elle ne se prête pas à un enseignement en groupe. La lecture est une activité individuelle, personnelle, intime même. On apprend plus aisément à lire comme on apprend à jouer d’un instrument de musique : en très petit nombre — un élève, deux peut-être, trois par exception, au-delà l’apprentissage ne peut se faire au rythme de l’enfant.

L’apprentissage systématique peut commencer à cinq ans, plus tôt parfois, quand l’enfant sait produire distinctement les trente-six sons du français, qu’il connaît les chiffres, et qu’il reconnaît les lettres et les désigne par leurs noms usuels — comme il fait les parties de son corps, par exemple. Dès que l’enfant parle, on peut commencer à lui apprendre les lettres sans les associer à des sons (ni à des mots). La plupart des lettres participant à la représentation de plusieurs sons différents, il n’est pas pertinent de lier trop étroitement chacune à un son déterminé. Il sera au contraire plus facile à l’enfant de comprendre leurs multiples utilisations s’il n’a pas à se débarrasser d’une première fixation exclusive.


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Police de caractères de l'alphabet phonétique international IPA Font

Police de caractères manuscrits Alamain


Manuel pour apprendre à lire à un enfant francophone {aperçu}

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Catalogue des représentants des sons dans l’écriture de la langue française {aperçu}

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Dernière modification de cette page le 21 décembre 2020



Présentation du Manuel pour apprendre à lire à un enfant francophone

Langue et écriture

Une langue est par nature orale ; c’est un système de signes vocaux.

Une écriture est un système de signes graphiques qui représentent des signes vocaux.

La langue orale est première, l’écriture est seconde.

L’écriture est une représentation approximative de la langue.

Parler c’est d’abord produire des syllabes, une à une. En français, les syllabes sont proférées par suites de trois à huit, correspondant à des groupes de mots liés par le sens ; ces groupes sont délimités par l’accent mis sur la dernière syllabe (plus longue que les autres). Comme les mots français n’ont pas d’accent propre, l’enfant qui ne sait pas encore lire ne connaît pas le découpage en mots ; par contre, il saisit les groupes accentuels — groupes délimités par l’accent, à la fois unités sonores et unités de sens —, et il doit, en apprenant à lire, pouvoir les percevoir pour comprendre.

Quand l’enfant commence à lire, il lui faut reconstituer, à partir de suites de lettres groupées en mots graphiques (qu’il découvre), des suites de syllabes constituant des unités phoniques audibles (qu’il comprend). L’écrit fait sens par le son, par la parole, qui elle-même implique la connaissance que l’enfant a de la langue. Pendant l’apprentissage, il faut veiller à ce que l’enfant s’appuie avec confiance sur sa connaissance de la langue orale. Car c’est la connaissance qu’on a de la langue orale qui permet de lire juste, quand l’écriture est toujours lacunaire.

Respecter la connaissance que l’enfant a de la langue (orale), implique de ne lui donner, pour apprendre à lire, que des mots qu’il emploie couramment. Le confronter, au cours de l’initiation à la lecture, à des mots qu’il ne connaît pas, c’est le mettre en position de double ignorance (du mot lui-même et de sa représentation écrite), et lui compliquer la tâche. En conséquence, tant que l’enfant ne sait pas lire couramment, l’enrichissement de son vocabulaire doit se poursuivre à l’oral uniquement, et non pas par l’intermédiaire de l’écrit. Si on a besoin qu’il connaisse certains mots pour lui apprendre certains aspects de l’écriture, on les lui fait découvrir en parlant et on veille à ce qu’il sache les employer bien avant de les lui proposer sous forme écrite.

Respecter la connaissance que l’enfant a de la langue orale, implique de le laisser lire comme il parle quand il parle juste spontanément, choisissant le timbre des voyelles qui en ont plusieurs et faisant les enchaînements et les liaisons, quoiqu’il ne sache ce qui dans l’écriture représente ces éléments ni dans quels cas leur représentation est partielle, incertaine, voire inexistante. Interdire à un enfant de faire les enchaînements et les liaisons, pour lui apprendre ensuite à les “lire”, c’est méconnaître que la formation de syllabes à la jonction de mots est propre à la langue orale, que ce n’est pas un effet d’écriture. On serait bien surpris que l’enfant se mette à parler sans enchaînements ni liaisons, alors qu’il les fait naturellement, sans qu’on le lui ait appris. Sous prétexte de faciliter l’apprentissage de la lecture, l’omission forcée des enchaînement et des liaisons — qui brise la continuité de la parole et le rythme, démembre les groupes accentuels, donc entrave la compréhension — nie une part de la connaissance de la langue de l’enfant, le contraint à une élocution déficiente (qui ne correspond même pas à une régression à une étape précoce d’acquisition du langage). De même qu’on parle en faisant les enchaînements et les liaisons à l’enfant qui ne parle pas encore, de même on apprend à lire en laissant ou faisant faire les enchaînements et les liaisons à l’enfant qui ne lit pas encore.

Lire c’est, comme parler, produire des syllabes les unes à la suite des autres, mais à partir de représentants graphiques des sons.


Apprendre à lire

Apprendre à lire à un enfant c’est lui apprendre à reconnaître la plupart des représentants des sons de la langue — c’est-à-dire les lettres simples, digrammes et trigrammes qui représentent les sons-voyelles et les sons-consonnes —, et à produire, à voix haute ou silencieusement, à partir des suites de mots graphiques, des suites de syllabes phoniques de manière à les entendre, et donc à les comprendre.

Un enfant sait lire lorsqu’il sait (1) reconnaître la plupart des représentants des sons de la langue, ainsi que les lettres qui ne participent pas à la représentation des sons, (2) recomposer et dire les syllabes phoniques, qui constituent les groupes accentuels porteurs de sens, (3) juger lui-même si ce qu’il se fait entendre est porteur de sens, et (4) rectifier au besoin la lecture en fonction de sa connaissance de la langue orale.

Apprendre à lire à un enfant c’est d’abord lui apprendre la plupart des représentants des sons de la langue, sans exclure aucune catégorie de signes graphiques ni inclure les particularités et exceptions dont la rencontre est improbable dans les premières années de lecture.


Apprentissage

Il s’agit d’apprendre l’écriture telle qu’elle est dans les livres.

Exclure les majuscules ou les minuscules ou les signes de ponctuation, comme utiliser des lettres de couleurs ou de nuances de gris ou de tailles différentes dans un mot, un groupe de mots ou une phrase, c’est fausser la réalité de l’écriture ; attacher à chaque lettre simple, digramme ou trigramme un mot référent c’est ajouter des noms aux représentants des sons ; interdire à la lecture les enchaînements et liaisons que l’enfant fait spontanément en parlant, c’est fausser la réalité de la langue : toutes ces astuces pédagogiques prétendument facilitatrices ne font que compliquer et alourdir l’apprentissage.

Comme se distinguent les chiffres et les nombres, les atomes et les molécules, il faut distinguer les lettres et les représentants des sons : les lettres, en tant que constituants des représentants des sons, et les représentants des sons, constitués de une, deux ou trois lettres avec parfois des conditions de voisinage.

L’apprentissage de la lecture commence par les chiffres et les lettres — voyelles et consonnes, minuscules et majuscules.

Une fois acquis le matériel graphique, l’apprentissage se poursuit par les représentants des sons. Pour chacun des trente-six sons français — voyelles orales et semi-consonnes, voyelles nasales, consonnes — est d’abord présenté un (ou deux) représentant(s), en n’employant que des mots sans lettre muette et sans représentants inconnus de l’élève, hormis ceux que fait justement découvrir la leçon.

Après cette phase centrée sur les sons, défilent pêle-mêle les autres représentants des voyelles, semi-consonnes et consonnes ainsi que les lettres muettes, en n’employant à chaque pas que des mots sans représentants ni lettres muettes inconnus de l’élève, hormis ceux que fait justement découvrir la leçon.

Il ne s’agit pas seulement d’acquérir l’usage du système graphique du français, mais aussi d’en comprendre la construction et le fonctionnement : réduire autant que possible la part d’irrégularités, d’étrangetés ou d’aberrations, et expliquer tout ce qui peut l’être à partir de régularités.


Progression

On découvre d’abord un (ou deux) représentant(s) de chacun des trente-six sons du français ; et par la même occasion on apprend à distinguer les trois types de sons : voyelles, semi-consonnes et consonnes — et à ne pas confondre cette distinction avec celle des lettres-voyelles et des lettres-consonnes. Ensuite, on aborde les représentants plus complexes, ainsi que les lettres muettes.

Il faut faire lire à l’enfant uniquement les passages intitulés Syllabes à lire, Mots à lire et Phrases à lireils sont encadrés et en grands caractères.

Les syllabes à lire se trouvent effectivement dans des mots français, quelle que soit leur origine. Ce ne sont pas toutes les syllabes théoriquement possibles, ni celles des noms propres qui présentent des exceptions et des graphies anciennes, ni celles des mots empruntés dont la prononciation et l’écriture n’ont pas été remodelées et intégrées aux systèmes phonique et graphique ordinaires de la langue française.

Ce qui est en dehors des rubriques Syllabes, Mots et Phrases à lireles passages non encadrés et en caractères plus petits — contient la matière et les mots de ce qu’il faut présenter et expliquer. Il s’y trouve par ailleurs deux listes des représentants des sons déjà vus, l’une pour les voyelles, l’autre pour les consonnes, mises à jour à chaque pas, qui pourront aider à proposer d’autres mots ou phrases sans introduire des éléments encore inconnus.

Au fil de la progression, sont affirmées des choses qui, prises telles quelles, sont inexactes : c’est qu’elles sont incomplètes. Tous les aspects d’un représentant d’un son ou d’une lettre ne peuvent être envisagés d’emblée, simultanément — comme c’est fait dans le Catalogue des représentants des sons dans l’écriture de la langue française qui accompagne ce manuel. Les paragraphes marqués d’une flèche ronde ↺ reviennent sur des lettres ou des représentants déjà vus pour rectifier et compléter ce qui en a été dit.



Présentation du Catalogue des représentants des sons dans l’écriture de la langue française

Le son et le sens

De prime abord, mais illusoirement, la représentation de la langue par l’écriture mêle représentation des sons et représentation des sens. L’exemple des nombres que nous écrivons de deux manières, en lettres et en chiffres, illustre ces deux aspects. Les mots de lettres « zéro, un, quatre, cinq, neuf, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, trente, quarante, cinquante » représentent les noms français de quelques nombres ; qui connaît le système de représentation graphique des sons du français peut les lire et les prononcer, même sans les comprendre ; ces mots de lettres sont donc avant tout des représentants graphiques de vocables phoniques qu’il faut connaître comme tels pour comprendre leurs sens (les nombres qu’ils désignent). En revanche, les mots de chiffres « 1, 4, 5, 9, 11, 12 », qui peuvent être lus en maintes langues, prononcés de maintes manières, sont, à première vue, non des représentants graphiques de vocables phoniques, mais des représentants des nombres eux-mêmes, de leur sens ; qui connaît l’écriture des nombres en chiffres ne peut les lire et les prononcer en français que s’il connaît les noms français des nombres que ces mots de chiffres représentent. Dans le premier cas, on reconnaît dans un mot de lettres les représentants des sons constituant le nom français d’un nombre, et, partant du vocable phonique, on comprend le sens du mot, c’est-à-dire de quel nombre il s’agit. Dans le second cas, on reconnaît dans un mot de chiffres le nombre qu’il représente, et, partant du sens saisi, on prononce le nom français du nombre dont il s’agit. On va donc, d’une part, des lettres au son (le nom du nombre en telle langue), puis au sens (le nombre) ; d’autre part, des chiffres au sens (le nombre), puis au son (le nom du nombre en telle langue).

Cette symétrie est illusoire, car la description du second cas est erronée. Ce n’est pas parce qu’un mot de chiffres représentant un nombre se lit en maintes langues qu’il ne représente pas des sons dans chacune de ces langues ; c’est même justement ce qu’il fait : un mot de chiffres ne fait sens (nombre) qu’une fois lu comme vocable phonique. On compte et on calcule toujours en disant les nombres dans la langue en laquelle on a mémorisé les tables d’addition et de multiplication, et les techniques des quatre opérations — ce qu’il n’y a guère de raison de faire en plus d’une langue, même lorsqu’on en connaît plusieurs, puisque c’est à soi-même qu’on parle en calculant. Dans la pratique, les nombres sont manipulés par leurs noms (leurs sons) en telle langue déterminée, et non pas “directement” par leurs sens, abstraction faite de toute langue. Les mots de chiffres « 1, 4, 5, 9, 11, 12 » (a) représentent des nombres qui peuvent être lus en maintes langues par une multitude de personnes parlant celles-ci, certes ; mais, en pratique, pour chaque personne déterminée, ces mots de chiffres sont des représentants des noms des nombres dans la langue qu’elle parle (généralement celle dans laquelle elle se parle pour compter et calculer). En pratique, les mots de chiffres ne représentent pas directement des nombres, des concepts numériques, mais des noms de nombres, des vocables phoniques, quoiqu’ils ne représentent pas chacune de leurs syllabes ni les consonnes et voyelles les composant.

Un signe graphique est un représentant d’un signe vocal pour qui sait le lire en une langue déterminée.

L’idée selon laquelle dans la lecture (et l’écriture) le son ne serait qu’un intermédiaire entre graphie et sens, un accessoire que supprimeraient progressivement l’apprentissage et l’acquisition de la compétence, cette idée est une vue de l’esprit qui ne tient que par la crainte de passer pour un lecteur incompétent en avouant ne pas avoir l’expérience du passage sans son de la graphie au sens. Mais personne ne l’a, cette expérience, pas même les lecteurs soi-disant experts qui croient à la transmission du sens sans son — ce qui est une sorte de télépathie (b). Le fait est qu’on entend sa propre voix dans sa tête quand on lit silencieusement ; c’est donc que, d’une manière ou d’une autre, bien qu’on ne produise pas de son, on ne lit pas sans dire. On entend ce qu’on lit tel qu’on peut le prononcer, et lorsqu’on lit une langue qu’on ne peut ou ne sait entendre, on bricole ou on emprunte une prononciation pour cet usage. Si le son ne peut être supprimé, ce n’est pas parce qu’il serait un intermédiaire indispensable entre graphie et sens, mais parce qu’il n’est pas un intermédiaire : il n’est pas entre l’une et l’autre, mais est en l’une et en l’autre, ou de l’une et de l’autre.


Syllabes phoniques, sons-voyelles et sons-consonnes

Une syllabe française est composée d’un son-voyelle, éventuellement accompagné de sons-consonnes.

Une voyelle est un son qui peut être prononcé seul, et donc constituer une syllabe à soi seul, tandis qu’une consonne est un son très bref, qui ne peut être tenu, prolongé, crié, qui ne peut être pleinement produit qu’avec une voyelle.

Une syllabe (phonique) a pour centre un son-voyelle, auquel s’articulent éventuellement des sons-consonnes qui le précèdent ou le suivent. La plupart des syllabes du français parlé se terminent par un son-voyelle.

Les syllabes phoniques du français se composent à partir de trente-six sons : seize voyelles (c), trois semi-consonnes (d) et dix-sept consonnes.

L'écriture du français ne représente pas directement les syllabes, elle représente les sons élémentaires qui les composent : voyelles, semi-consonnes, consonnes (e). Chacun a un ou plusieurs représentants. De plus, quelques représentants représentent en bloc des suites de deux ou trois sons.

Composés d’une, de deux ou de trois lettres, les représentants des sons se distinguent en lettres simples, digrammes et trigrammes.


Lettres muettes et consonnes intermittentes

Dans l’écriture du français, les lettres qui ne participent pas à la représentation des sons sont dites « muettes ». La plupart de ces lettres mortes sont d’anciens représentants désertés par des sons qu’on ne prononce plus. Comme rien ne distingue les lettres muettes des lettres vivantes, il faut connaître les mots qu’on lit pour les reconnaître. L’idée selon laquelle ces coquilles vides de son sont souvent porteuses d’informations que la langue orale ne transmet pas est une vue de l’esprit qui ne tient qu’au préjugé de la supériorité de l’écrit sur l’oral et aux exemples artificiels fabriqués pour le conforter. Mais la prétendue défaillance de l’oral se heurte au fait que les interlocuteurs se comprennent en parlant, que les prétendues ambigüités que lèveraient à l’écrit les lettres muettes ne sont pas à l’oral des obstacles à la compréhension. En outre, la prétendue performance informative de l’écrit est démentie par le fait que les lecteurs ne connaissant guère l’orthographe ne recueillent que peu d’information des lettres muettes, mais comprennent aussi bien le sens de ce qu’ils lisent que les experts en orthographe (f).

Certaines consonnes finales ne représentent un son que lorsque se fait la liaison avec le mot qui suit ; elles sont dites « intermittentes ».


Syllabes de jonction

Une part des syllabes effectivement prononcées en français se forment à la jointure entre deux mots successifs. Une syllabe de jonction se compose du dernier son-consonne ou semi-consonne d’un mot, et de la première syllabe du mot suivant, qui commence par un son-voyelle ou semi-voyelle.

Lorsqu’il s’agit d’un enchaînement, le dernier son du premier mot, son-consonne ou semi-consonne final de sa dernière syllabe, se détache de celle-ci pour s’attacher à la première syllabe du second mot (qui commence par une voyelle ou une semi-consonne), et devenir ainsi le son initial de la syllabe de jonction.

Lorsqu’il s’agit d’une élision, le dernier son du premier mot, son-voyelle final de sa dernière syllabe, s’efface, de sorte que le son-consonne ou semi-consonne qui le précédait devient l’ultime, s’attache à la première syllabe du second mot (qui commence par une voyelle ou une semi-consonne), et devient ainsi le son initial de la syllabe de jonction.

Lorsqu’il s’agit d’une liaison, ce n’est pas le dernier mais l’après-dernier son-consonne du premier mot — le son final de la version longue du mot, élidé dans sa version courte —, qui resurgit pour s’attacher à la première syllabe du second mot (qui commence par une voyelle ou une semi-consonne), et devenir ainsi le son-consonne initial de la syllabe de jonction.

Dans l’enchaînement, deux syllabes sont modifiées : un son-consonne ou semi-consonne passe de la fin de l’une au début de la suivante ; c’est un changement de découpement et de groupement qui affecte deux mots.

Dans l’élision, deux syllabes fusionnent : un son-voyelle s’efface, donc une syllabe disparaît, et un son-consonne ou semi-consonne passe du début de la syllabe disparue au début de la suivante ; c’est un changement de découpement et de groupement qui affecte deux mots.

Dans la liaison, une seule syllabe est modifiée : un son-consonne, déduit de la fin du premier mot, s’adjoint au début de la première syllabe du second mot.

Les jonctions sont propres à la langue orale : on les fait dès qu’on parle, alors qu’on ne sait pas lire. Les sons d’enchaînement et de liaison sont représentés dans l’écriture, comme les autres. Cependant les consonnes de liaison ne se lisent pas comme les autres, dans la mesure où elles ne sont représentantes que par intermittence, qu’elles sont donc susceptibles de n’être que des lettres muettes, et que seule la connaissance de la langue (parlée) permet de décider si telle consonne finale représente un son ou non. Les liaisons n’étant pas tout à fait écrites (g), on ne les lit pas vraiment : on les fait comme en parlant ; et on reconnaît après coup les représentants des sons-consonnes en jeu.




(a) De même les mots de chiffres romains « I, IV, V, IX, XI, XII ».

(b) Selon cette croyance, le son, indispensable au débutant, serait de moins en moins utile à l’apprenti, et deviendrait superflu, voire même gênant, pour le lecteur confirmé !

(c) Les fluctuations entre voyelles proches — entre É [c] et È [e], entre les deux EU [q / E] et l’E instable [C], entre les deux O [O / o], entre les deux A [a / A], et entre les nasales IN [N] et UN [M] — n’annulent pas leurs distinctions, mais les éprouvent.

(d) Une semi-consonne (ou semi-voyelle) est une voyelle qui prend le rôle d’une consonne dans une syllabe,  c’est-à-dire qui devient très brève (et très fermée) pour s’articuler avec une voyelle (centre de la syllabe) ; cette modification en fait une consonne, c’est-à-dire un son qui ne peut se prononcer qu’avec une voyelle.

(e) On ne prend conscience de ces éléments phoniques qu’avec l’apprentissage de la lecture d’une écriture alphabétique.

(f) Ces experts, et eux seuls, sont gênés par les fautes d’orthographe qui perturbent, pour eux seuls, l’information. De là, certains croient que la part de l’écrit qui ne représente pas l’oral est porteuse d’informations qui la rendent indispensable, quand les autres (qui sont bien plus nombreux) accèdent au même sens tout en méconnaissant ou ignorant ce support — ce qui montre qu’il est accessoire.

(g) Pour combler cette lacune, il faudrait ajouter un signe entre les mots : une sorte de trait d’union à la place de l’espace, une courbe sous la ligne, semblable à celle qui marque la liaison entre deux notes dans l’écriture de la musique…